- Extrait page 9
LETTRE DE SOPHIE
AU CHEVALIER D’OLZAN
Je t’envoie, cher Chevalier, un petit manuscrit gaillard. Tu aurais de la peine à t’imaginer où je l’ai pris. C’est une bagatelle sortie d’une jolie main de mon sexe ; et c’est un délassement badin adressé dans un cloître. Comment un tel bréviaire se put-il introduire parmi les guimpes d’une religieuse ? C’est ce que mes yeux eurent de la peine à me persuader ; rien n’est cependant plus vrai, cher Chevalier, et c’était un présent digne de sa destination. L’amour n’est point étranger dans ces lieux ; le sentiment constitue le naturel du beau sexe ; la sensibilité forme la principale partie de son essence ; la volupté exerce un empire vainqueur sur ces êtres délicats. A ces dispositions originaires, qu’on joigne les effets échauffants d’une imagination exaltée dans la retraite et l’oisiveté, on trouvera la raison de cette fureur intestine qui nous maîtrise dans les couvents. C’est ainsi que les femmes de ces pays, où les hommes jaloux les tiennent prisonnières, trouvent si précieuses des jouissances dont l’idée habituelle qu’elles en ont n’est point contrebalancée par d’autres objets de dissipation. Dans la société, un tumulte de soins et de plaisirs énerve les passions au lieu de les concentrer ; l’éclat séduisant d’une vaine coquetterie entraîne les femmes les plus sensuelles ; l’amour impétueux ... ....
- Extrait page 13
LAURE À EUGÉNIE
Loin de moi, imbéciles préjugés, il n’y a que les âmes craintives qui vous soient asservies : Eugénie, accablée d’ennui dans sa solitude, exige de sa chère. Laure ce petit amusement tendre. Il n’y a plus rien qui puisse me retenir.
Oui, ma chère Eugénie, ces moments délicieux, dont je t’ai quelquefois entretenue dans ton lit ; ces transports des sens, dont nous avons cherché à répéter les plaisirs dans les bras l’une de l’autre ; ces tableaux de ma jeunesse, dont nous avons voulu réaliser la volupté : eh bien ! pour te satisfaire, je vais, sous des traits ressemblants, les retracer ici.
Tout ce que j’ai fait et pensé dès ma plus tendre enfance, tout ce que j’ai vu et ressenti va reparaître sous tes yeux. Je ferai renaître dans toi ces sensations vives, ces mouvements précieux, dont l’ivresse a tant de charmes. Mes expressions seront vraies, naturelles et hardies ; j’oserai même dessiner de ma main des figures dignes du sujet et de tes désirs enflammés ; je ne crains pas de manquer d’énergie. Eugénie, c’est toi qui m’inspires et qui m’échauffes. Tu es ma Vénus et mon Apollon ; mais garde-toi, chère amie, que ma confidence échappe de tes mains ; souviens-toi que tu es dans le sanctuaire de l’imbécillité ou de ........
Oui, ma chère Eugénie, ces moments délicieux, dont je t’ai quelquefois entretenue dans ton lit ; ces transports des sens, dont nous avons cherché à répéter les plaisirs dans les bras l’une de l’autre ; ces tableaux de ma jeunesse, dont nous avons voulu réaliser la volupté : eh bien ! pour te satisfaire, je vais, sous des traits ressemblants, les retracer ici.
Tout ce que j’ai fait et pensé dès ma plus tendre enfance, tout ce que j’ai vu et ressenti va reparaître sous tes yeux. Je ferai renaître dans toi ces sensations vives, ces mouvements précieux, dont l’ivresse a tant de charmes. Mes expressions seront vraies, naturelles et hardies ; j’oserai même dessiner de ma main des figures dignes du sujet et de tes désirs enflammés ; je ne crains pas de manquer d’énergie. Eugénie, c’est toi qui m’inspires et qui m’échauffes. Tu es ma Vénus et mon Apollon ; mais garde-toi, chère amie, que ma confidence échappe de tes mains ; souviens-toi que tu es dans le sanctuaire de l’imbécillité ou de ........
- Extrait page 19
ÉDUCATION DE LAURE
Je sortais de ma dixième année ; ma mère tomba dans un état de langueur qui, après huit mois, la conduisit au tombeau. Mon père, sur la perte duquel je verse tous les jours les larmes les plus amères, me chérissait ; son affection, ses
sentiments si doux pour moi se trouvaient payés, de ma part, du retour le plus vif.
J’étais continuellement l’objet de ses caresses les plus tendres ; il ne se passait point de jour qu’il ne me prît dans ses bras et que je ne fusse en proie à des baisers pleins de feu.
Je me souviens que ma mère, lui reprochant un jour la chaleur qu’il paraissait y mettre, il lui fit une réponse dont je ne sentis pas alors l’énergie. Mais cette énigme me fut développée quelque temps après :
— De quoi vous plaignez-vous, madame ? Je n’ai point à en rougir : si c’était ma fille, le reproche serait fondé, je ne m’autoriserais pas même de l’exemple de Loth ; mais il est heureux que j’aie pour elle la tendresse que vous me voyez : ce que les conventions et les lois ont établi, la nature ne l’a pas fait ; ainsi brisons là-dessus.
Cette réponse n’est jamais sortie de ma mémoire. Le silence de ma mère me .......
sentiments si doux pour moi se trouvaient payés, de ma part, du retour le plus vif.
J’étais continuellement l’objet de ses caresses les plus tendres ; il ne se passait point de jour qu’il ne me prît dans ses bras et que je ne fusse en proie à des baisers pleins de feu.
Je me souviens que ma mère, lui reprochant un jour la chaleur qu’il paraissait y mettre, il lui fit une réponse dont je ne sentis pas alors l’énergie. Mais cette énigme me fut développée quelque temps après :
— De quoi vous plaignez-vous, madame ? Je n’ai point à en rougir : si c’était ma fille, le reproche serait fondé, je ne m’autoriserais pas même de l’exemple de Loth ; mais il est heureux que j’aie pour elle la tendresse que vous me voyez : ce que les conventions et les lois ont établi, la nature ne l’a pas fait ; ainsi brisons là-dessus.
Cette réponse n’est jamais sortie de ma mémoire. Le silence de ma mère me .......